mercredi 27 mai 2009

Explorations : « Chacune d’entre vous pourrait être Deng Yujiao » (谁都可能成为邓玉娇)




Deng Yujiao (邓玉娇), employée d’un karaoké de l’hôtel Xiongfeng (雄风) de Yesanguang (野三关) (province du Hubei), déferle actuellement les manchettes en Chine. Sur le web chinois, l’affaire est progressivement devenue le sujet de l’heure et des millions d’internautes se sont mobilisés, depuis le 10 mai dernier, derrière la cause de la jeune Yujiao. C’est que le 10 mai dernier, Deng Yujiao, alors affairée dans la buanderie du 梦幻休闲中心 (Centre de loisirs et relaxation ‘Cité des rêves’), fut abordée par deux hommes qui auraient exigé d’elle, en échange de quelques yuans, des « services particuliers (特殊服务) », i.e. sexuels. Elle aurait catégoriquement refusé les avances, ce qui aurait provoqué la colère de l’un deux, un cadre du Parti et, de surcroît, un directeur d’un bureau administratif local. Le cadre en question l’aurait ensuite frappée au moyen de sa liasse de billets, l’aurait menacée en lui vociférant des insultes puis, l’aurait plaquée sur un divan, menaçant de la violer. Ce fut cette histoire que Deng Yujiao raconta aux policiers afin d’expliquer pourquoi, en cette soirée du 10 mai, elle en était venue à poignarder le cadre Deng Guida à mort au moyen d’un couteau à fruits (ou à pédicure ?) qu’elle avait dans son sac.

Cette affaire, qui fit le tour de la Chine en l’espace de quelques heures, fait apparaître plusieurs sujets tabous dans le discours public chinois, notamment ceux du harcèlement sexuel et de la prostitution, devenus de véritables fléaux dans la Chine des vingt-cinq dernières années. Mais, aussi, ce qu’on appelle désormais « le cas du viol de Deng Yujiao (邓玉娇被强奸) » témoigne de la rapidité à laquelle les informations voyagent désormais sur le web chinois, ainsi que la puissante force mobilisatrice qu’il constitue. Vendredi dernier, le Bureau de l’information de Pékin a même explicitement défendu de faire de la publicité autour du cas de Deng Yujiao ou de l’enquête en cours. Mais il était déjà trop tard; les langues déliées et les doigts des bloggeurs ont transformé le cas de Deng Yujiao, à l’image de celui de Sun Zhigang il y a quelques années, en « cas parapluie » afin de dénoncer divers maux affligeant la société chinoise, notamment la commercialisation du sexe, la corruption des fonctionnaires et des autorités, l’inefficacité du système judiciaire, la censure des médias et la dégradation des droits et intérêts des femmes. Texte integral

Emilie Cadieux

2 commentaires:

Valérie Nichols a dit…

Deng Yujiao est maintenant libre. http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/content/article/2009/06/16/AR2009061600113.html

Valérie Nichols a dit…

Pour ceux qui lisent le chinois, voici une entrevue sur le site de Caijing. Vous trouverez aussi un lien pour d'autres articles concernant Deng Yujiao:
www.caijing.com.cn/2009-0616/110185226.html