lundi 11 mai 2009

Lu et vu: L'Art et l'âme de Lang Lang



« Je voulais devenir le Tiger Woods du piano. » Ainsi se résume Le piano absolu (Paris : JC Lattès, 2008), l’autobiographie de Lang Lang, la jeune vedette chinoise du piano classique occidental que certains auront vu jouer lors de la cérémonie d’ouverture aux JO de Pékin l’été dernier. Ce volume,
« écrit avec » David Ritz, auteur américain qui a aussi signé des volumes sur Ray Charles, Aretha Franklin ou Marvin Gaye, entre autres, nous livre un portrait peu reluisant des pires aspects de la mondialisation de la Chine de l’ère post Mao : le culte de la célébrité, le rêve perpétuel d’être « numéro un », la recherche à tout prix du succès aux yeux des autres. Lang Lang a beau être chinois et jouer du piano, son histoire (du moins celle racontée dans ce volume) ressemble en tous points à celle de n’importe quelle gymnaste, basketballeur ou comédien qui arrive au top de son jeu assez longtemps pour se faire faire tirer le portrait dans People’s Magazine. Je plains d’ailleurs le pauvre traducteur qui a dû perdre quelques semaines de sa vie pour rendre cette « autobiographie lite » en français.

Né en 1982 dans la ville industrielle de Shenyang, au nord-est de la Chine, Lang Lang fait preuve de génie musical dès son plus jeune âge : il commence à prendre des leçons à l’âge de 3 ans, gagne son premier concours important à 5 ans. La famille de Lang avait longtemps nourri des ambitions musicales et artistiques, ambitions qui s’étaient alors heurtées à la dure réalité anti-culturelle de la Révolution culturelle. Le père de Lang Lang surtout, va déplacer ses rêves inachevés sur son fils et consacrer sa vie entière à la gestion de la carrière de ce dernier. Pour ce faire, il ira jusqu’à laisser tomber son emploi pour s’installer avec lui dans un appartement miteux à Beijing quand celui-ci avait 9 ans, dans l’espoir de le faire entrer au conservatoire. La mère de Lang Lang, elle, reste à Shenyang pour travailler et entretenir époux et fils, perdant ainsi à presque tout jamais Lang Lang à la musique et « au monde » comme dirait la star insupportable. Le message du papa : « J’ai tout sacrifié pour toi, tu vas travailler 6, 8, 10 heures par jour au piano, pour devenir rien de moins que LE MEILLEUR AU MONDE. » Message que Lang fils avale goulûment. Et, de fait, non seulement rentre-t-il au conservatoire mais gagne-t-il nombre de concours internationaux avant de s’installer aux États-unis où il deviendra une star planétaire à l’âge de 20 ans.

Ce livre est révélateur de la culture hyper compétitive (je dirais même coupe-gorge) du monde de la musique classique en Chine, une compétitivité qu’on trouve sans doute dans d’autres domaines de la Chine capitaliste. Mais il est surtout révélateur de l’immense ego de Lang Lang, un ego à côté duquel son âme artistique paraît minuscule (et accessoire). J’aurais pensé qu’une vie consacrée à la musique aurait été autre chose qu’une course à la gloire; il semble que non. D’ailleurs il est des plus significatif –même si en même temps quelque peu cocasse- que, en juin 2008, Lang Lang ait lancé sur le marché mondial sa propre chaussure Adidas. Dénommée « Lang Lang », tout simplement…La meilleure chaussure au monde, paraît-il (et la seule à venir avec haut-parleurs).

David Ownby

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