vendredi 15 mai 2009

Réactions à chaud: « L’espion qui venait de Taiwan », ou les dessous des relations sino-américaines



Les amateurs d’histoire d’espionnage ne restent jamais sur leur faim avec les relations sino-américaines. De nouvelles affaires viennent en effet périodiquement apporter de l’eau au moulin de tous ceux accusant la Chine de comportement agressif sur la scène internationale. Qu’on se souvienne de l’affaire de l’ex-agent chinois Li Fengzhi , des nombreux cas de cyber-espionnage chinois sur des sites américains, le thème revient périodiquement depuis de nombreuses années.

La dernière affaire en date est celle où James W. Fondren, fonctionnaire du Department of Defense, accusé d’avoir vendu des documents classifiés à un homme d’affaires taiwanais, Tai Shen Kuo, ce dernier ayant selon le quotidien Huffington Post plaidé coupable d’espionnage pour le compte de la République Populaire. Fondren serait, selon le journal, le deuxième fonctionnaire de la défense américaine à avoir fait passer des documents sensibles à cet agent du gouvernement de Beijing, croyant à tort qu'ils servaient la cause taïwanaise. L’année dernière, un de ses collègues, Gregg Bergersen, aurait lui aussi vendu des documents d’État contre paiement à Tai Shen Kuo.


Bien au-delà des détails minimes révélés par la presse et de tous ceux qui ne dépasseront pas les cercles autorisés, nous pouvons néanmoins nous interroger sur la signification de ce type d’événements, tant au niveau du comportement international de la Chine que de l’image de celle-ci donnée aux Etats-Unis lors de telles affaires.

L’ampleur des accusations, les aveux des principaux concernés et de manière plus générale, le comportement classique des pays au niveau international, tout cela ne peut que soutenir la thèse de l’espionnage chinois aux Etats-Unis. Dans l’état actuel des liens politiques et stratégiques entre les deux puissances, il faudrait être un peu déconnecté des réalités internationales pour penser qu’il s’agit d’un phénomène nouveau et propre à la Chine. D’autres affaires suffisent pour comprendre qu’il s’agit d’un jeu qui se joue à deux : l’incident de l’avion espion américain de 2001 ainsi que plus récemment, ceux des soi-disant navires de pêche chinois harcelant des navires de surveillance américains opérant en bordure des eaux territoriales chinoises.

La vraie question dans l’affaire Fondren n’est pas de conclure sur une quelconque agressivité chinoise, mais plutôt de comprendre pourquoi des fonctionnaires américains en viennent à vendre des documents sensibles à de faux agents taiwanais, ainsi que de réaliser que le public n’aura pas accès aux détails cruciaux de ces affaires. Cela regarde essentiellement le gouvernement américain ainsi que ses liens parfois spéciaux avec Taiwan, et n’apprend rien de vraiment nouveau sur le comportement international de Pékin.

Cependant, chacune de ces affaires fournit un argument supplémentaire aux conservateurs américains pour construire leur rhétorique. De nombreux milieux politiques et intellectuels aux Etats-Unis voient d’un très mauvais œil la montée de la Chine depuis les années 90 et souhaitent une ligne plus dure. Dans le contexte de la politique américaine, il semble que cette affaire ait plus de potentiel au niveau interne qu’international. Après tout, l’article du Huffington Post ne mentionnait aucune protestation officielle envoyée à Beijing. Il est donc permis de penser que cette affaire est à « consommation interne » seulement.

Ivan Barreau

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