mardi 2 juin 2009

Lu et vu: Table ronde à Hong Kong sur Tiananmen



Le 1er juin, le Centre d'études français sur la Chine contemporaine à Hong Kong a organisé une table ronde sur “The Impact of the 1989 pro-Democracy Movement and its Repression on the Evolution of the Politics, Economy, and International Relations of the PRC.” Notre bloggeuse Valérie Nichols y fut et nous remet ce résumé.

Le CEFC a voulu frapper fort en organisant une table ronde réunissant des participants de Tiananmen. Les règles d’immigration en auront voulu autrement. Chen Ziming, Wang Chaohua, Wang Juntao et Wang Dan, tous d’éminents personnages associés aux manifestations de 1989, ne purent faire le voyage. Le panel s’en est trouvé réduit. La jolie salle du Foreign Correspondants Club n’en était pas moins bondée de journalistes étrangers et de spécialistes de la Chine. Mes attentes comme celles de plusieurs membres de l’audience étaient très élevées.


Le prolétaire du groupe, Han Dongfang a eu les premiers mots. Il a expliqué que son implication durant les événements n’était que pure coïncidence, mais aussi que l’euphorie de ces moments lui a fourni l’inspiration d’une vie de travail acharné pour améliorer les conditions de travail des ouvriers. Il a rappelé à l’audience qu’il ne se voyait pas comme le Lech Walesa des Chinois. Selon lui, la Chine a changé de manière drastique durant les 20 dernières années et il est important de reconnaître les avancées légales et sociales de la Chine. Il faut regarder droit devant et continuer la mission des jeunes de Tiananmen.

Tong Yi (qui a livré une entrevue beaucoup plus intéressante de son intervention d’hier à Charlie Rose en 1996) a rappelé le fait qu’elle ne fut qu’une voix parmi tant d’autres durant les manifestations de Tiananmen. Alors étudiante à l’université Zhengfa à Beijing, elle a raconté l’effervescence sur le campus et le courage de ses confrères qui n’ont pas hésité à continuer de manifester même après l’éditorial du 26 avril 1989 condamnant les activités des étudiants. La présentation de Tong Yi s’est limitée à une longue énumération de ses actions jour-après-jour durant le mois de mai 1989. Elle a raconté comment elle a monté les échelons des organisations estudiantines jusqu’à en devenir l’une des porte-parole les plus importantes.

Xiong Yan a vraiment cartonné ces derniers jours dans la presse internationale. On peut trouver des articles le concernant ici et ici. De retour en sol chinois pour la première fois depuis 17 ans, Xiong a pris d’assaut du podium au parc Victoria dimanche dernier lors d’un manifestation pour commémorer la 20e anniversaire de Tiananmen . J’y étais. Ses cris résonnent encore dans ma tête.

Comment décrire Xiong Yan? Prêtre dans l’armée américaine en Iraq, il est un savant mélange entre le prédicateur interprété par Eddy Murphy dans le film culte « Coming to America » et un imitateur de Barack Obama (si peut-être sur le ritalin: « If we want to change, we can change!! Hope is change!! ») Ça donne un résultat assez particulier : du réel bonbon pour les journalistes du monde entier.

Szeto Wah est un personnage assez controversé de la scène dissidente chinoise. Non seulement très conservateur quant à ses positions politiques, il exprime une haine féroce du parti communiste jusqu’à soutenir en 1979 le groupe des 4. Le résultat en est souvent une présentation peu nuancée de la société chinoise actuelle. Il a été fidèle à ses habitudes hier avec un long exposé des 60 dernières années du régime communiste. Pour lui, Tiananmen est une défaite en soi. Le massacre marque le début de la dégringolade des avancées progressistes des années 80. Il ne voit que peu d’espoir pour la démocratie en Chine. Quant à lui, elle sera la dernière à se démocratiser.

Albert Ho nous a offert une présentation très intéressante sur l’engagement rapide et durable d’Hong Kong avec les étudiants de Tiananmen. Il a souligné l’importance pour Hong Kong de jouer le rôle de conscience de la Chine. Il a rappelé les marches populaires réunissant plus d’un million de résidents dans les rues d’Hong Kong en 1989 et l’implication massive de plusieurs corporations hongkongaises dans le support économique des étudiants de Tiananmen.

Les participants ont eu peu de temps pour se répondre et c’est surtout le pessimisme de Szeto Wah qui fut critiqué. Han Dongfang a souligné la nécessité de reconnaître que la Chine a changé au cours des dernières années et pas seulement pour le pire. Utilisant son travail avec China Labour Bulletin à titre d’exemple, il a souligné que de plus en plus de causes concernant les travailleurs sont réglées avec succès dans les tribunaux de justice chinois. Selon lui, mieux vaut perdre la bataille contre le communisme si c’est pour gagner la victoire pour le futur des jeunes générations chinoises.

Tong Yi a profité de son temps de réplique pour revenir sur le cas de Deng Yuqiao, déjà discuté par Emilie Cadieux sur notre blogue. . La libération de la jeune femme est selon elle la démonstration du nouveau poids joué par l’opinion publique dans la société civile chinoise.

Xiong Yan ne pouvait se retenir de revenir sur son bonheur d’être à Hong Kong et son souhait de se retrouver avec tous ses amis tels Wang Dan et Feng Congde de retour à Beijing. Il est devenu complètement survolté avec le micro dans ses mains scandant des formules volées à la campagne d’Obama. Peu de contenu donc, mais beaucoup d’énergie. Gageons que sa présence à Hong Kong sera encore une fois très médiatisée lors de la vigile du 4 juin.

Albert Ho a répondu avec justesse aux questions concernant l’importance de la démocratisation d’Hong Kong pour la Chine continentale. Selon lui, Hong Kong est de moins en moins l’exemple chinois tant attendu, mais il ne faut pas baisser les bras.

Malgré quelques commentaires intéressants, la table ronde d’hier a été finalement assez décevante. Les participants ont à l’occasion erré dans une énumération inutile de dates. Il faut rappeler que le public était formé de spécialistes de la Chine qui savaient déjà les détails des manifestations de Tiananmen. On aurait voulu entendre davantage sur leurs années d’exil, sur leurs espoirs, sur leur façon de voir le futur de la Chine. Personnellement, j’aurais aussi apprécié un débat plus musclé sur la place des manifestations de Tiananmen dans l’histoire présente.

Depuis lundi 16h, un groupe d’étudiants de la fédération universitaires d’Hong Kong fait une grève de la faim en hommage aux étudiants de Tiananmen. Ils ont élu domicile à Times Square, dans le quartier très animé de Causeway Bay. Je m’y rendrai aujourd’hui.

Valérie Nichols

1 commentaire:

Valérie Nichols a dit…

ERRATUM: Tong Yi était étudiante de Zhngguo Zhengfa Daxue (Chinese University of Political Science and Law) de Beijing en 1989 et non pas de Wuhan.