dimanche 7 juin 2009

Réactions à chaud: 20 ans après Tiananmen, que reste-t-il des idéaux démocratiques en Chine?

Vingt ans après les événements ayant balayé pour l’instant les espoirs d’une démocratisation, ou du moins d’une véritable réforme politique en Chine, que reste-t-il des idéaux démocratiques dans ce pays? Click here for English.

Il est tout d’abord important de préciser que plusieurs sinologues croient que la démocratie multipartite, assortie d’élections libres et impartiales, se situe pour l’instant bien loin des préoccupations immédiates de la plupart des citoyens chinois et de celles des élites intellectuelles du pays. De même, l’espoir de voir apparaître une opposition politique organisée relève actuellement de l’utopie. En effet, depuis la réponse brutale du parti aux quatre demandes formulées par les étudiants au printemps de 1989 (1- de meilleures conditions pour les intellectuels et les étudiants, incluant plus d’argent pour l’éducation; 2- la fin de la corruption des cadres du parti; 3- une réforme politique conduisant à plus de démocratie; et 4- le respect des libertés individuelles, comme la liberté d’association, de parole et de la presse), toute tentative d’organisation politique ou civile à l’extérieur du cadre fixé - exclusivement - par le parti a été éliminée à la source.

Or, malgré cette contrainte, les valeurs démocratiques se sont réincarnées sous une forme nouvelle, dans un mouvement qui peut sembler moins menaçant aux dirigeants politiques que des manifestations étudiantes : le mouvement pour les droits civiques (weiquan yundong). Le cas ayant donné son élan au mouvement fut probablement celui de Sun Zhigang, un ingénieur battu à mort par les autorités locales de Guangzhou en 2003, parce que ces dernières l’avaient pris pour un migrant illégal. La nouvelle de sa mort répandue dans des journaux, puis sur le web, avait provoqué l’indignation populaire et trois juristes avaient envoyé une pétition aux autorités. Ces réactions, en exerçant une forte pression sur le gouvernement, avaient réussi à faire abolir le brutal système d’hébergement et de rapatriement des travailleurs migrants sans permis.


Depuis, le mouvement pour les droits civiques a peu à peu pris forme et ses participants, des « avocats aux pieds nus » et autres défenseurs des droits des plus vulnérables, se sont donnés pour stratégie de ne jamais remettre ouvertement en question le monopole du parti sur l’arène politique. Ceux-ci tentent plutôt d’insérer leurs actions à l’intérieur du message officiel en utilisant le discours et les lois adoptées par le parti. En effet, en 2003, face aux contestations sociales de plus en plus fréquentes dans tous les coins de la Chine et dans un souci de préserver la stabilité du pays et la légitimité de son pouvoir, Premier ministre Wen Jiabao a annoncé son intention de « gouverner le pays en s’appuyant sur la loi » (yifa zhiguo). Les participants au mouvement pour les droits civiques ont donc pris Wen Jiabao au mot et tentent depuis de faire appliquer et respecter les lois existantes et les droits fondamentaux des personnes dans des cas précis d’abus.

Qui, par exemple, fait appel à ces avocats aux pieds nus? Des anciens employés de l’État mis à pied (xiagang) et vivant précairement, des personnes déplacées dans le cadre de grands projets de l’État, des travailleurs migrants maltraités ou impayés, des ouvriers victimes d’accidents de travail, des personnes victimes de mauvais traitements ou de la corruption de la part des autorités, des personnes souffrant des détériorations graves de l’environnement dans lequel elles vivent, etc. Toutes ces personnes ont en commun le fait qu’elles subissent une violation de leurs droits, pourtant inscrits dans les textes de lois de la République populaire, mais sont incapables d’obtenir justice. Souvent, le seul recours existant est de faire appel à un défenseur des droits civiques pour entamer des démarches, allant du procès ordinaire à la pétition ou à des procédures de groupe.

Ces avocats, très sensibles à l’existence de limites - parfois vagues - à la tolérance des autorités envers leurs activités, prennent soin de ne pas être associés à un quelconque message politique non-orthodoxe. Malgré cette prudence, plusieurs ont été emprisonnés dans des conditions exécrables depuis (notamment Gao Zhisheng, Chen Guangcheng et Teng Biao). Cependant, l’existence de ces défenseurs des droits des plus faibles en Chine démontre que malgré les nombreuses difficultés, l’idéal démocratique prôné par les étudiants, les ouvriers et les cols blancs sur la Place Tiananmen et dans plusieurs villes chinoises en 1989 survit, quoique sous une nouvelle forme.

Ariane Pelé, à Montréal

1 commentaire:

Jérémie Lopez a dit…

Oui et heureusement que cet "idéal démocratique" survit ! La dictature du gouvernement Chinois devient, avec la progression des technologies et la mondialisation, un outil qui ne fonctionne plus aussi bien qu'avant. Le temps commence à venir où la population, après des années de censure, de répression et propagande, s'informe et réfléchit. Vive la mort de l'état chinois !

(j'ai moi-même découvert le massacre de tiananmen il y a peu, via un excellent documentaire sur arte et écrit un bref texte la dessus sur mon blog)