mercredi 11 novembre 2009

L'Arctique aux ours polaires...et aux Chinois!?






Un texte de Nicolas Laflamme

Qui peut bien s’intéresser à l’Arctique? Les ours polaires, la Russie, le Canada, les États-Unis, le Danemark, la Norvège? Toutes ces réponses m’apparaissent bien cohérentes. Toutefois, sans être voisin, d’autres acteurs se sentent concernés par la région arctique, ses ressources naturelles et sa situation stratégique. La Chine est l’un d’eux.

Ma récente lecture de l’article « La Chine doit absolument prendre part le plus vite possible au contentieux du pôle Nord » (中国必须尽快要加入北极之争) publié par le China.com (中华网) me poussa sur la route de la découverte des intérêts chinois dans le grand Nord. À vrai dire, la position chinoise n’a rien de surprenante. Lorsqu’un pays atteint un certain seuil de développement, ses intérêts ne se limitent plus qu’à l’intérieur de ses frontières, mais s’étendent plutôt à la planète toute entière. À ce sujet, nous pouvons prendre l’exemple de l’Union Européenne. Celle-ci a tenu en février dernier des exercices militaires dans le Nord avec les pays européens de la région arctique (Islande, Danemark, Norvège, Suède, Finlande). Ces manœuvres visaient à affirmer sa volonté de prendre également part aux enjeux reliés au pôle Nord. La puissance montante qu’est la Chine, de plus en plus consciente de son poids au sein de la communauté internationale, veut aussi faire entendre son opinion au sujet de l’Arctique. La Chine ne revendique évidemment pas avoir droit à toute la région arctique. C’est précisément les eaux internationales de l’océan Arctique, que les pays nordiques se disputent, qui intéressent la Chine. C’est sur cet aspect que se base ses visées polaires.



Les arguments chinois prennent racine dans la « Convention des Nations unies sur le Droit de la Mer » (CNUDM). Les clauses de cette convention sont sujettes à bon nombre de mésententes entre les pays avoisinant l’Arctique. La CNUDM stipule que les eaux internationales de l’océan Arctique sont situées au delà de 200 miles marins (MM) des côtes des pays l’entourant. Ces 200 MM représentent les zones économiques exclusives de chaque pays. De plus, la juridiction des pays s’établi aussi avec l’extension de leur plateau continental, ce qui représente, dans le cas le l’Arctique, une véritable caverne d’Ali baba en ressources. L’article 76 de la CNUDM indique que le plateau continental d’un État peut s’étendre sur 300 MM, toutefois sans jamais que les eaux ne dépassent 100 MM après avoir atteint 2500 mètres de profondeur. De plus, le plateau continental doit absolument être une extension naturelle sans rupture du territoire sous marin du pays.

C’est en rapport avec cet article 76 de la CNUDM concernant les fonds marins que se querelle actuellement les scientifiques russes et danois à propos de la dorsale de Lomonossov qui traverse directement le fond du pôle Nord. Les scientifiques des deux pays sont présentement en dispute à savoir si Lomonossov est le prolongement naturel de la Sibérie ou du Groenland. Bien que cette dispute ne soit toujours pas réglée, la Russie provoqua le Danemark en août 2007 en plantant symboliquement son drapeau à 4300 mètres de profondeur sur le pôle Nord. Il n’est pas non plus inintéressant de citer ici que le périodique russe Komsomolskaïa Pravda publia que l’Arctique, et ce qu’elle représente, pourrait bien être la cause de la troisième guerre mondiale.

Malgré les nombreuses discordes au sein des États en Arctique, la Chine soutient que la communauté internationale doit respecter les recommandations de la CNUDM. L’empire du milieu appui le respect de cette convention car celle-ci a le potentiel de lui donner éventuellement les droits de naviguer, de voler, de faire de la recherche scientifique et d’exploiter les ressources naturelles dans les zones internationales de l’Arctique. Ces revendications sont assez récentes, mais considérant que plusieurs scientifiques croient que le pôle Nord sera complètement fondu dès l’été 2030, mieux vaut ne pas perdre de temps et prendre sa place dans la course à l’Arctique.

Le professeur Guo Peiqing de l’« Ocean University of China » établit dans ce sens que la stratégie de la Chine dans le dossier arctique peut être divisée en quatre étapes. La première est de renforcer la recherche scientifique sur le terrain. À ce sujet, le gouvernement chinois a sponsorisé dès 1999 le premier projet de recherche consacré à la recherche climatique. La Chine a de même envoyé l’été dernier, à bord du brise-glace « Dragon de neige », sa quatrième équipe de recherche en Arctique. La deuxième étape est pour la Chine de fortifier ses relations avec les pays entourant le pôle Nord. Troisièmement, un point important est de consolider la coordination entre les États non-frontaliers à l’Arctique afin de trouver des intérêts communs à défendre et à promouvoir internationalement. En quatrième lieu, la Chine doit développer sa propre stratégie face au Nord et l’insérer à son plan global de développement.

Fait intéressant à souligner à propos du troisième point citer ci-dessus est l’attitude de la Chine à vouloir internationaliser le dossier de l’Arctique. Sa position est tout autre en ce qui à trait aux îles Paracels et Spratly dans la mer de Chine Méridionale qu’elle se dispute avec d’autre pays de la région. Lorsqu’il est sujet de ce contentieux, Beijing est définitivement résolut à entreprendre des relations bilatérales avec les États en confrontation. Deux poids, deux mesures? Notons de même que plusieurs commentaires et réactions aux articles dans les journaux chinois en ligne traitant des visées chinoises sur l’Arctique soulevaient le point que le gouvernement devrait premièrement régler les contentieux de la mer de Chine Méridionale avant de se lancer dans une aventure si lointaine. Cependant, dans la stratégie globale d’un pays ambitieux, il importe peu que les ressources soient loin ou proche. La Chine, qui fait face à une nécessité grandissante de ressources naturelles pour nourrir son développement, agit véritablement comme toute grande puissance se doit.

Les ressources naturelles et les enjeux géopolitiques du Nord font de plus en plus parler dans les cercles de pouvoirs. En effet, le Nord est riche en ressources minières et halieutiques, mais également en pétrole et en gaz naturel. Selon l’« Arctic Monitoring and Assessement Programme », les ressources de pétrole et de gaz naturelles de l’Arctique sont estimées à 25% des réserves mondiales.

Outre les ressources naturelles, une autre raison majeure qui attire la Chine dans l’Arctique est l’ouverture de nouvelles routes maritimes dans cette région. La navigation par le pôle Nord promet de sauver beaucoup d’argent, de carburant et de temps. C’est hors de tout doute on ne peut plus attirant pour un pays comme la Chine qui est dépendant du détroit de Malacca et des canaux de Panama et de Suez pour ses rapports commerciaux. Ces détroits et passages sont saturés en capacité de trafic et sont des zones chaudes côté sécurité. De leurs côtés, à titre d’exemple, le passage du Nord-Ouest (au Nord du Canada), et le passage du Nord-est (au Nord de la Russie) sont les voies les plus courtes pour relier Shanghai à Rotterdam, ainsi que Shanghai à New York.

Ces voies ne sont pour l’instant praticables que durant l’été. Cependant, le réchauffement climatique risque bien de s’occuper d’accommoder ceux qui s’impatientent à l’idée de voir ces passages ouverts à l’année longue. En effet, les bénéfices que représente l’Arctique font oublier aux partis concernés que la disparition de la calotte glaciaire comporte aussi des conséquences négatives considérables. Selon la « National Snow and Ice Data Center », la glace de l’océan Arctique a fondu dramatiquement depuis les trente dernières années et ce dégel trop rapide du pôle Nord comporte des répercussions majeures sur l’écosystème, comme l’extinction de plusieurs espèces, dont l’ours polaire.

L’Arctique fait donc de plus en plus parler d’elle. Le Canada, ayant des frontières avec l’Arctique, est l’un des grands intéressés de ce dossier chaud. Les exercices militaires canadiens de l’été dernier en témoignent. Le Canada est présentement dans un grand processus de militarisation et de développement du grand Nord.

Une course est donc engagée pour se séparer ce dernier morceau de gâteau que représente l’Arctique, et la Chine semble être déterminée à y prendre part. Après l’Arctique, il ne nous restera plus qu’à s’attaquer à l’espace… et sur ce point, la Chine n’est pas la dernière à bord non plus…

Nicolas Laflamme à Kunming

2 commentaires:

Olivier a dit…

Très bonne analyse. Oui la bataille de l'artique va etre un enjeux, et maintenant les grandes forces mondiales vont devoir partager le gateau avec ... la Chine

Frédéric Lasserre a dit…

encore un article alarmiste sur l'Arctique et la Chine. De nombreuses erreurs factuelles minent cependant la crédibilité de cet article. non, il n'y a pas 25% des ressources en hydrocarbures dans l'Arctique ; non, les changements climatiques ne feront pas fondre la glace toute l'année ; non, les armateurs ne sont pas fortement intéressés par les routes arctiques ; et non, la Chine ne lorgne pas impatiemment sur ces ressources : elle souhaite simplement avoir le même accès que les autres pays du globe aux ressources qui seront exploitables. Pas d'alarme donc.
Frédéric Lasserre
Professeur, Université Laval
ArcticNet