lundi 9 novembre 2009
La Chine et l’amour transnational
Un texte de Charles Hudon
Mondialisation, village global, ouverture économique, la Chine moderne est de plus en plus exposée à l’étranger… et aux étrangers! De nos jours, de plus en plus de visiteurs se rendent en Chine, s’y installent, y vivent, tout comme de plus en plus de Chinois quittent la Chine pour aller séjourner outre-mer. En contact les uns avec les autres, les relations amoureuses transnationales deviennent naturellement plus fréquentes. Bien entendu, cette réalité ne concerne pas la totalité des chinois. Pour bon nombre de campagnards, les « laowais » [étrangers]demeurent des créatures télévisuelles. Dans un pays où la modernité et la tradition entrent souvent en conflit, que pense la Chine de l’internationalisme amoureux? Est-ce que les mœurs se libéralisent aussi vite que l’économie? Un article publié dans de le Huanqiu Shibao du 26 octobre dernier laisse sous-entendre qu’il existerait peut-être un léger décalage entre l’opinion de Pékin et celle de la population en général.
Tout récemment, une histoire d’amour tourne mal entre une Pékinoise et son partenaire étasunien. Après 9 mois de fréquentation, l’homme réalise qu’il serait sans doute mieux pour eux de mettre un terme à leur relation. Furieuse, la femme le poignarde de 6 coups de couteau. Le Huanqiu Shibao, organe de presse du Parti, saisit l’occasion pour prendre le pouls de la population sur la question des relations amoureuses transnationales.
En regardant les conditions dans lesquelles fut menée l’enquête, mes anticipations quant aux possibilités d’obtenir des résultats positifs étaient très faibles. En effet, nous pouvons vraiment nous demander si une maison de sondage qui se respecte aurait procédé de la sorte. En préambule au questionnaire, afin de mettre le sondé dans l’ambiance, un article nous décrivait avec précision scientifique pourquoi, en raison de différences au niveau de la culture, des attentes face à une relation, voire des habitudes sexuelles, la majorité des mariages transnationaux serait vouée à l’échec. L’article enchaîne en affirmant que l’échec de ces relations transnationales déstabilise généralement les femmes chinoises à un niveau aujourd’hui considéré comme alarmant pour la société. Puis, vient ensuite le questionnaire, où l’on nous demande tout bonnement notre opinion sur les mariages transnationaux… Stupéfait face à cette façon de faire, une question m’est venue en tête : « qu’est-ce que l’Amérique aurait répondu à un sondage lui demandant son opinion sur la religion musulmane au lendemain des attentats du 11 septembre? »
Heureusement, mes craintes se révélèrent non fondées. Malgré le caractère fortement orienté du sondage, 60% des Chinois se montrèrent ouverts à l’idée des mariages transnationaux. Le commentaire d’un sondé représente particulièrement bien l’humeur générale : « C’est leur droit, que ce soit pour l’amour, pour l’argent ou par une attirance mystique envers l’Occident, ça ne nous regarde pas, ils sont libres de faire comme bon leur semble. » N’eût été de la couverture néfaste placée en introduction du sondage, il est facile de s’imaginer que le taux d’appui aurait été beaucoup plus élevé.
Considérant que cette étude fut menée par un journal officiel du Parti Communiste reconnu pour ses positions pro gouvernementales ultranationalistes, on peut supposer que Pékin prendra bonne note des résultats. Ceux-ci tendent à indiquer que, sur plusieurs enjeux à caractère social, les mœurs des Chinois se libéralisent. Force est de constater que les Chinois sont de moins en moins chaleureux à l’idée de se faire dire comment gérer leur vie privée.
Charles Hudon, à Kunming
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