lundi 14 septembre 2009
Le modèle chinois…nouvelle importation américaine
Le modèle politique chinois a été régulièrement évoqué par les médias cet été dans le contexte des élections iraniennes, à la fois en tant que régime autoritaire prêt à intervenir pour museler les revendications démocratiques d’une partie de sa population, mais aussi en tant qu’exemple positif de régime mûr et stable—si toujours autoritaire. Rien de surprenant alors à ce que les médias soulignent l’existence de possibles parallèles entre les élections en Iran et les événements de Tiananmen dont c’était le vingtième anniversaire cet été. Par contre, l’idée que la Chine actuelle serait un modèle que les autorités iraniennes devraient suivre a de quoi faire réfléchir.
Et ce matin je tombe sur deux indices qui indiqueraient que le « modèle chinois » prend désormais sa place au sein du débat américain sur la réforme du système de santé et sur la gouvernance en générale. Dans un éditorial publié le 9 septembre dans le New York Times, le très célèbre journaliste américain Thomas Friedman, frustré face à la résistance rencontrée par le Président Obama au sein même de son propre parti, se laisse aller à penser à un meilleur système politique…celui de la Chine:
Un régime autocratique à parti unique n’est pas sans désavantages, certes, mais sous un leadership éclairé, comme c’est le cas du leadership chinois actuel, les avantages sont nombreux. Ce parti a le pouvoir d’imposer des décisions importantes, même si difficiles sur le plan politique, pour que la société puisse avancer.
On suppose que Friedman ironise en comparant le Parti communiste chinois au Parti démocratique américain—qui est « seul » si pas unique parce que les Républicains refusent de jouer le jeu législatif—mais le respect qu’il manifeste à l’égard de l’efficacité chinoise—fruit d’un régime autocratique—est néanmoins réel.
Deuxième exemple de l’évolution de l’image de la Chine : le Harper’s Index d’octobre 2009. Le Harper’s Index, publié mensuellement dans la revue américaine Harper’s, brosse un portrait des États-Unis à partir de « faits divers » statistiques découverts par les recherchistes de la revue. Le Index se veut à la fois incisif (« Changement en termes de pourcentage des profits des 10 compagnies américaines d’assurance les plus importantes depuis 2002 : +428 ») et drôle (« Pourcentage de chômeurs américains qui font une sieste tous les jours : 39; Pourcentage d’Américains ayant un emploi qui font une sieste tous les jours : 31).
Les six premiers faits statistiques du Index qui vient tout juste de sortir font des comparaisons entre la Chine et les États-Unis, encore une fois dans le contexte de la gestion des défis rencontrés par les deux puissances :
Pourcentage, en terme de PIB, que représentent les fonds de relance des EU et de la Chine, respectivement, investis dans l'économie depuis le début de la récession :
6, 13.
Pourcentage du fonds de relance chinois qui ira à des projets d’infrastructure : 40
Pourcentage du fonds de relance américain qui ira à des projets d’infrastructure : 17
Pourcentage d’Américains qui pourrait faire leurs études de médecine en Chine cette année, payés par les dépenses médicales américaines de l’année en cours : 100
Nombre minimum de « médecins pieds nus » formés en Chine entre 1965 et 1985 : 1,500,000
Nombre d’années que le présent Ministre de la Santé chinois a travaillé ainsi : 1
Comme Friedman, Harper’s semble apprécier l’intelligence et le savoir-faire chinois.
Sous l’administration Bush-Cheney, les Américains désespérés par la direction qu’avait prise leur pays menaçaient de voter avec leurs pieds et d’immigrer au Canada (cliquer ici et ici pour les commentaires pince-sans-rire sur ce phénomène). Qui aurait cru que sous l’administration Obama, la destination de choix de la gauche américaine serait…la Chine?
David Ownby, à Montréal
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1 commentaire:
Cela me rappelle un article de Ian Buruma intitulé "L'année du modèle chinois".
Selon l'auteur, ce que les laudateurs de "l'efficacité chinoise" oublient, c'est que "la situation la plus proche du modèle chinois actuel est celle de l'Allemagne du XIXe siècle, fortement industrialisée, avec une classe moyenne cultivée, mais politiquement neutralisée, et caractérisée par une tendance nationaliste agressive". La faille de ce "modèle" apparaît en temps de crise : "Ce nationalisme lui a été fatal quand l'économie s'est effondrée et que l'agitation sociale a menacé de troubler l'ordre public".
Friedman, la fin ne justifie pas tous les moyens !
Justin Wee
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